Les guides touristiques : un texte inédit de Gérald Arbour

La semaine se termine avec un très beau bonus, soit un texte inédit signé de la plume de Gérald Arbour. Notre ami trace un portrait précis et complet des guides dédiés aux ponts couverts, des origines à aujourd’hui. Nous sommes nombreux à être partis à la découverte des ponts rouges avec un de ces guides, surtout à une époque où il n’y avait pas encore Internet partout. Nous avons aujourd’hui une pensée pour les pionniers qui ont élaboré ces guides indispensables. En prime, je joins à ce billet une copie numérisée du guide Criez-le sur les toits. Je remercie chaleureusement Gérald pour son indispensable participation au billet du jour.

LA ROUTE DES PONTS COUVERTS ET LES GUIDES TOURISTIQUES

À la fin des années 1950, l’âge d’or de la construction des ponts couverts est révolu. Même si l’état américain de l’Oregon et une année 1958 pour le Québec indiquent que ces deux entités construisent toujours des ponts de bois couverts, le déclin de ce type de viaduc est irrémédiablement enclenché.

Paradoxalement ou en lien avec cette situation, c’est à la même époque qu’une prise de conscience émerge quant à la pertinence de s’intéresser à cet aspect du patrimoine bâti. Car la frénésie avec laquelle le réseau routier se développe laisse peu de place pour la conservation de reliques d’un autre âge.

Faisant suite à un premier guide des ponts couverts américains publié en 1956, c’est en 1959 que the National Society for the Preservation of Covered Bridges Inc. (NSPCB) lance la première édition du World Guide to Covered Bridges. Le mot World est important car il inclut les ponts canadiens et européens connus à l’époque. Pour le Québec c’est 239 ponts couverts qui sont répertoriés.

Une numérotation par état existe déjà aux USA mais ce n’est que dans l’édition de 1965 que le numéro 61 est attribué au Québec. Ce système de numérotation est basé sur les comtés électoraux de l’époque. Il va s’en dire qu’il s’est produit de nombreux redécoupages depuis mais cette numérotation a été reprise par la Société Québécoise des ponts couverts (SQPC) quelques années plus tard et dans bien des dossiers ou aux archives, elle sert toujours de repère pour identifier les ponts couverts, existants ou disparus. Ainsi, le numéro 61-01-01 par exemple, indique un pont du Québec, le premier recensé dans le comté d’Abitibi, le tout accompagné du nom de la municipalité, du type de ponts, de sa longueur, et du cours d’eau franchi. Lorsque connue, l’année de construction est également donnée.

Page couverture de la première édition du World Guide to Covered Bridge parue en 1959.

Il existe des éditions du World Guide pour les années 1965, 72, 80, 89, 2009 et la 7e(2021) est en cours d’impression. À sa fondation en 1981, la SQPC a été un interlocuteur privilégié pour fournir une information pertinente à chaque édition. Encore aujourd’hui d’anciens membres contribuent régulièrement aux mises à jour. Ce guide est le premier connu pour nos ponts couverts.

Texte d‘introduction utilisé dans les premières éditions des guides du ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche. Ce texte a été changé en 1974.

C’est en 1962 que le Québec semble emboîter le pas en publiant un répertoire bilingue des ponts couverts. C’est une initiative du ministère du Tourisme de la Chasse et de la Pêche. Voici ce qui justifiait une telle publication selon le titulaire du ministère, Monsieur Lionel Bertrand : … signale que les touristes, notamment ceux qui arrivent des États-Unis recherchent volontiers de tels ponts qui sont maintenant en voie de disparition… Les amateurs de photographie pourront ainsi établir des itinéraires qui leur permettront d’aller voir plusieurs ponts couverts en un seul et même voyage.

Le pont de Barville, 1935-1966, incendié (61-01-04).

Cette première édition compte 266 ponts. Il y a eu au moins 8 éditions subséquentes :

1965 : 264 ponts
1966 : 229 ponts
1969 : 176 ponts. Première insertion de photos de ponts couverts de l’Office du film du Québec à l’intérieur des brochures, en plus des photos à la une.
1970 : 154 ponts
1971 : 147 ponts
1974 : 133 ponts. Les distances sont données en kilomètres pour la première fois.
1975 : 129 ponts
1977 : 99 ponts. Dernière année de la parution de la brochure sous les auspices du ministère du Tourisme.

Le pont couvert Durette de Matane en première page de l’édition de 1975. 1925-1979, démoli (61-42-02).

En 1983 la SQPC se substitue au ministère du Tourisme pour mettre fin à un intermède de 5 ans sans une mise à jour de la réserve de ponts couverts. En publiant une série de 5 dépliants, 1 pour chaque grande région du Québec où il subsiste des ponts rouges, l’association comblait cette lacune. Ces dépliants, subventionnés par le ministère de la Culture, sont réédités en 1984 et fournissent de l’information pour 113 ponts. De fins observateurs noteront qu’en 1977 la brochure de Tourisme Québec recense 99 structures. Il ne s’est pas construit de nouveaux ponts couverts pendant ces 5 années. Le décompte gouvernemental ne tenait compte que des ponts en service ou sous sa juridiction. Un certain nombre de ponts privés ou contournés, mais authentiques, ne figuraient pas au tableau. 

La page couverture des 5 dépliants est illustrée d’un dessin du pont des Raymond de Précieux-Sang (Bécancour). Une oeuvre de Gaétan Forest. 1928- (61-51-01)

Dès la fondation de la Société québécoise des ponts couverts en 1981, le projet prioritaire était de concevoir un guide complet pour la réserve de ponts rouges existants à l’époque. Le projet est devenu réalité en 1986. Un livret de 82 pages format « coffre à gant », comprenant de la documentation liée à l’histoire des ponts, un lexique, illustré, accompagné de cartes est offert aux membres de la SQPC leur permettant de localiser plusieurs structures en un seul voyage Tout comme le prédisait le Ministre Bertrand qui faisait figure de visionnaire. Le guide a été réédité en 1988, 93 et 99. Un total de 1000 copies sont en circulation. Un tirage très honorable pour un sujet de niche comme celui-là, publié à compte d’auteur et n’étant pas dans un réseau de distribution.

La page frontispice des 3 premières éditions du guide Les Ponts Rouges du Québec. Le pont Étienne Poirier de Saint-Célestin a été immortalisé dans un dessin de Gaétan Forest. 1905- (61-51-03)

Jusqu’au moment de sa dissolution en 2001, la SQPC a continué de produire des guides pour une diffusion grand public. En 1988, avec réédition en 1990, une brochure de 12 pages, illustrée et avec cartes, publiée grâce à la participation financière du ministère des Affaires culturelles du Québec, fournit de l’information générale pour les 103 ponts couverts authentiques du Québec.

Le pont du Panache de Saint-Félix-de-Dalquier en une de cette brochure. 1955-2006, incendié (61-01-21)

En 2000, un dernier dépliant est produit par la Société québécoise des ponts couverts en association avec l’Industrielle Alliance, compagnie d’assurance vie. Il donne de l’information pour 88 ponts couverts.

Le pont Balthazar de Brigham. 1932- (61-11-01)

Il s’agirait là des seuls documents écrits connus pour guider les amateurs de patrimoine sur les chemins menant à ces structures qui subsistent dans nos paysages. De nos jours, l’Internet propose plusieurs sites dédiés aux ponts couverts. Le site web du ministère des Transports a relayé de l’information dédiée aux ponts couverts pendant quelques années. Mis à jour en 2012, il a été retiré en 2015.

Depuis 2008, le site le plus complet, à jour, fiable et de bonne référence pour nos ponts, c’est celui que vous consultez présentement pour lire ce texte.

Gérald Arbour, Novembre 2021

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