L’inventaire du patrimoine bâti de la MRC de La Matapédia

Je vous invite aujourd’hui à prendre connaissance d’un document très captivant, soit l’Inventaire du patrimoine bâti de la MRC de La Matapédia. On y retrouve la liste des constructions historiques dignes d’intérêt, dont bien sûr les ponts couverts. Le document fait plus de 225 pages. Je joins au billet du jour l’extrait concernant le pont Heppell. J’y ai ajouté des photos d’archives inédites sur le site des ponts couverts…

 

Le pont Heppell, cité monument historique, est un ouvrage de génie civil construit en 1908 et 1909 qui possède une valeur patrimoniale exceptionnelle. Ce pont en bois de type Town québécois possède une seule travée mesurant 39,6 mètres de long. La structure est couverte d’un lambris en planches horizontales peint en rouge et elle est coiffée d’un toit à deux versants droits. La valeur patrimoniale du pont Heppell repose sur son intérêt historique et son ancienneté. Au Québec, du début du 19e siècle à la fin des années 1950, environ 1500 ouvrages de ce genre ont été bâtis. Il en resterait moins d’une centaine aujourd’hui. Ce pont a été érigé en 1908-1909 à l’initiative des membres de la famille Heppell, l’une des familles pionnières du secteur. La structure permet le commerce du bois et l’établissement d’un moulin à farine. Le pont Heppell témoigne donc des efforts de colonisation déployés au début du 20e siècle dans les environs de Causapscal. Il constitue en outre le plus ancien pont couvert subsistant dans la région du Bas-Saint-Laurent.

Photo : André Goossens (1983)

 

La valeur patrimoniale du pont Heppell repose également sur son intérêt architectural. La structure reflète la popularité des ponts de type Town québécois, aussi appelé «Town élaboré », qui fait appel à une variante de la ferme brevetée en 1820 par l’architecte étatsunien Ithiel Town (1784-1844). Bien que le Québec ait connu plusieurs types de ponts couverts depuis le début du 19e siècle, la plupart de ceux érigés pendant le 20e siècle appartiennent à ce dernier. La ferme Town est constituée de madriers placés en diagonale, formant un large treillis entre les cordes supérieure et inférieure, et attachés l’un à l’autre à chaque intersection par des chevilles de bois. Au Québec, cette structure, reconnue pour sa solidité et sa légèreté, est utilisée de façon presque systématique par les ingénieurs du ministère de la Colonisation. Le type Town québécois est économique et sa simplicité permet l’emploi d’une main-d’œuvre locale pour sa construction. Le pont Heppell constitue un exemple représentatif de ce type de structure. Le lambris extérieur est peint en rouge comme celui de nombreux autres ponts couverts québécois, d’où l’appellation fréquente de « ponts rouges ». Ce pont rappelle donc la diffusion très large du type Town québécois au début du 20e siècle.

 

Photo : André Goossens (1983)

 

Histoire

Le pont Heppell permet de franchir la rivière Matapédia, dans l’actuelle ville de Causapscal. La colonisation de la région commence véritablement vers 1867, par l’aménagement du chemin Matapédia. Quelques familles, dont les Heppell et les Plante, s’établissent alors au sud de Causapscal et à l’est de la rivière. À mesure que la population augmente, la nécessité de s’établir sur la rive ouest de la Matapédia se fait de plus en plus pressante. Les terres de l’endroit sont toutefois difficilement accessibles. Les autres ponts des environs ne peuvent être empruntés sans faire de longs détours.

Pour traverser la rivière, les Heppell utilisent d’abord des bacs déplacés grâce à un cheval et à un système de câbles et de poulies. Cette famille fait ses premières demandes pour la construction d’un pont couvert, lien permanent entre les deux rives, vers 1908. À la même époque, la famille Plante désire aussi faire construire un pont, plus près de ses terres. La rivalité s’installe entre les deux familles, et le conseil municipal favorise le projet des Plante.

 

Photo : André Goossens (1983)

Les Heppell décident donc d’aller de l’avant sans attendre l’aide du gouvernement. Au cours de l’hiver 1908-1909, ils profitent de la glace formée sur la rivière pour construire les culées du pont et poser les traverses. La structure du pont est complétée au cours de l’été 1909.

La construction du pont Heppell coûte environ 1 800 $. Une partie de ce montant est payée par le gouvernement. De plus, les Heppell imposent un droit de passage aux voitures et aux piétons. Le pont est béni par Mgr Albert Blais (1842-1919) en 1910, à l’occasion de sa visite pastorale.

Photo : Gérald Arbour (1986)

Le pont Heppell contribue largement au peuplement de la rive opposée au noyau d’habitations initial ainsi qu’au développement de diverses activités économiques. Aussitôt le pont terminé, les Heppell établissent une fromagerie sur la rive ouest. La structure permet aussi le commerce du bois et l’aménagement d’un moulin à farine.

 

Photo : Jean-Marie Beaujean (1994)

En 1963, une lettre adressée au premier ministre Jean Lesage (1912-1980) réclame le remplacement du pont Heppell, supposé dangereux, par un pont en béton. L’ingénieur envoyé sur les lieux recommande plutôt la réparation du pont couvert.

Le pont Heppell est cité monument historique en 2009. Il est toujours en usage.

 

Photo : Léo Bonin (1995)

 

Pour consulter L’inventaire du patrimoine bâti de la MRC de La Matapédia, cliquez ici.

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