La légende du pont de Compton

Warwick

Pont Perrault de Warwick. Illustration : Gilles-Emmanuel Gingras

Avant de vous laisser pour la fin de semaine avec une légende des Cantons de l’Est, j’aimerais donner un peu plus de détails sur le livre duquel elle est tirée et dont j’ai donné peu de détails dans le billet d’hier. Il s’agit d’un ouvrage très limité édité seulement à 200 exemplaires numérotés. Publié en 1976 par Édition Monticule, ce livre de grand format comporte 48 pages. Le livre est inséré dans un coffret qui comporte 30 reproductions en couleurs de toiles de ponts couverts. Le texte du livre est signé Ernest Pallascio-Morin alors que les illustrations sont de Gilles Emmanuel Gingras. Hier, j’ai publié un magnifique poème tiré de cet ouvrage de collection. Aujourd’hui, place à la légende du pont couvert de Compton…

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La légende du pont couvert de Compton

L’histoire ou la légende la plus curieuse est sans doute celle du pont qui traverse le cours d’eau Massawipi, du côté de Compton. Elle aurait été léguée aux fermiers – ou plutôt aux enfants de ceux-ci – qui en savaient beaucoup plus long que leurs parents pour la bonne raison qu’ils avaient mieux connu le déroulement de l’affaire.

Tout commença à l’arrivée d’un brave homme, gentil, solitaire, sans histoire et probablement pas désireux du tout d’en avoir une. Il s’était installé dans une vieille remise abandonnée depuis longtemps à une courte distance du pont couvert.

Il avait le souci d’être serviable envers tous et chacun.

Son avoir, qu’il avait su accumuler grâce à son travail, son industrie, son esprit d’économie, tout le monde voulait le lui prendre de quelque façon que ce fut. On ne lui connaissait ni parent, ni ami, ni conseiller, ni connaissance. Encore moins d’héritier.

Assez curieusement, les gens des alentours se disaient pauvres, endettés, presque dans l’obligation honteuse de mendier. Cela faisait bien rire le bonhomme qui lui-même avait connu la pire misère.

Certains croyaient d’emblée qu’il cachait son argent, la nuit venue, sous les poutres du pont quelque part, dans certains coins, même sous le toit, enfin quelque part! Mais où? C’était justement le purgatoire de tous de n’en rien savoir. On ne trouvait jamais rien, même si l’on ne se gênait pas pour « organiser » des fouilles lorsque le vieux allait à la ville pour affaires.

Un jour, on le trouva immobile, paralysé dans son lit…

Riviere

Pont de Des Rivières. Illustration : Gilles-Emmanuel Gingras

On vit alors arriver un nombre considérable de pseudos neveux et nièces tous nerveux et, bien sûr, fort désolés de l’état du pauvre homme. Il y en avait tellement que le médecin avait du mal à se frayer un chemin pour se rendre au chevet du vieux solitaire.

Après l’examen sommaire du toubib, l’espoir n’était plus permis! C’était à qui n’aurait pas sollicité la faveur de veiller toute la nuit auprès du vieillard. Vers cinq heures du soir, reprenant un peu ses sens, le moribond fit approcher le médecin. Il lui dit à voix basse:

Je ne pourrai jamais vous payer vos soins, docteur! Je meurs exaucé! J’avais demandé à Dieu de me reprendre le jour où je n’aurai plus un seul sou! Je crois bien que ce jour-là est arrivé! Encore une fois merci!

Et le vieil homme mourut! La maison se vida en quelques minutes. Personne ne connaissait plus personne! On eût dit que tous les droits de chacun s’étaient évanouis avec le dernier souffle de vie de l’homme sans histoire!

Une fois seul, le médecin rédigea un rapport établissant que le vieux était tout simplement mort de malnutrition. Ce furent le curé et le bedeau qui l’inhumèrent par charité 

On aurait pu donner à ce pont le sobriquet du pont de l’homme mort de faim! Mais on a dû faire silence afin de « protéger » la réputation du canton.

 BONNE FIN DE SEMAINE

Une réflexion sur « La légende du pont de Compton »

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