De Beaupré à Baie-Saint-Paul

Photo : J. W. Michaud 1954. Source : BAnQ E6,S7,SS1,P98651

L’arrivée du long week-end vient avec une belle surprise, soit un texte tout frais signé par notre cher ami Gaétan Forest. On s’intéresse cette fois à la construction de la route reliant Beaupré à Baie Saint-Paul, laquelle traverse la fameuse rivière Sainte-Anne. En plus de retrouver des personnages rencontrés précédemment, comme Joseph-Narcisse Gastonguay et Georges Barrette, l’article nous fait découvrir le pont Rouge de St-Ferréol tout en donnant plus de précisions sur la ferme Town intermédiaire. Un immense merci à Gaétan qui accepte de partager ses captivants textes sur ce site, pour le plus grand plaisir des amateurs de ponts couverts. Bonne lecture et bonne fête du travail!

De Beaupré à Baie-Saint-Paul

La rivière Sainte-Anne coule dans un relief modelé par le retrait progressif de la mer de Champlain après la dernière glaciation. Tel un gigantesque escalier, une suite de terrasses impose à la rivière un parcours mouvementé, depuis le piémont laurentien jusqu’à la plaine du littoral du fleuve Saint-Laurent. Les autochtones avaient donné à cette rivière le nom Mestachibo en raison des nombreuses chutes disséminées le long de son parcours. On la connaissait sous le nom de « Grande Rivière » depuis le début de la colonie. Plus tard on la nomma officiellement la rivière Sainte-Anne-du-Nord, mais le passage du temps a favorisé l’usage de la forme abrégée. Les ponts et les routes faisant l’objet de ce compte-rendu sont situés dans les derniers 18 kilomètres de son parcours au cœur des municipalités de Saint-Ferréol-les-Neiges, Saint-Tite-des-Caps, Beaupré et Saint-Joachim. La municipalité de Beaupré porte un nom associé à la seigneurie de la Côte de Beaupré, dans laquelle elle se trouve et dont l’origine remonte au début de la colonie. Saint-Joachim fut le premier territoire à être colonisé dans les environs. C’était en 1626, soit au temps de Samuel de Champlain. 1

Une première voie de communication, le chemin des Caps

Les voyages de Beaupré à Baie-Saint-Paul reposaient principalement sur la navigation sur le fleuve depuis les débuts de la colonie. Pour aller d’un endroit à l’autre par terre, il fallait passer sur le rivage du fleuve à marée basse, à pied ou à cheval. Une voie de communication terrestre fut longtemps réclamée par les seigneurs, marchands, curés et habitants des paroisses de Charlevoix. À partir de 1745, les grand-voyers, hauts fonctionnaires chargés de la construction et de l’entretien des routes, multiplièrent les procès-verbaux pour marquer et tracer un chemin derrière les caps depuis la Baie Saint-Paul jusqu’à Saint-Joachim. Avec peu de résultats. Les groupes à l’origine des requêtes s’offraient même de construire ce chemin à leurs frais et dépens par corvées. Ce n’est que vers 1812 que le projet commença à se concrétiser, mais bien timidement. Ce n’était guère plus qu’un sentier dans lequel on passait misérablement. Le 26 novembre 1815, le chevalier Robert d’Estimauville ordonna l’exécution d’un procès-verbal du grand-voyer Lanoullier de Boisclerc au sujet d’un pont sur la rivière Sainte-Anne-du-Nord entre Beaupré et Saint-Joachim. Le chemin des Caps prenait forme peu à peu et il aurait été ouvert vers 1818. Douze ans plus tard, le grand-voyer Edmund-William-Romer Antrobus dressa de nouveaux procès-verbaux pour l’entretien de cette voie rudimentaire. En décembre 1828 les habitants de la Baie Saint-Paul et des autres paroisses de Charlevoix présentèrent une pétition demandant que le chemin des Caps aboutisse à Sainte-Anne plutôt qu’à Saint-Joachim, une requête qui restera lettre morte. Le chemin, toutefois encore inégal et parsemé d’embûches, relia enfin les deux régions en 1830. En juin 1843, on réclamait une somme de 2000 livres pour l’achever. Le montant accordé deux ans plus tard sera de 1500 livres. Il aura fallu attendre l’année 1845 pour que cette voie publique offre un réel débouché à une population en croissance. Le Bureau des Travaux du Bas-Canada y travaillait encore en 1846 et 1847. L’arpenteur Georges Duberger, ayant fait le voyage par terre de La Malbaie à Québec, fit un « rapport très favorable » sur les améliorations qui avaient été faites sur le chemin des Caps. Pour aider à l’entretenir, le gouvernement décida en 1855 d’en faire un chemin à péage qui, à partir du 15 janvier 1857, n’était déjà plus sous son contrôle, l’ayant cédé à des intérêts privés. Une barrière de péage fut établie à une vingtaine de kilomètres du village de Baie-Saint-Paul. 2

Une voie alternative, le chemin Cauchon

Le 27 mars 1807, Jean-Thomas Taschereau, député du grand-voyer, avait publié un procès-verbal pour tracer un chemin reliant Baie-Saint-Paul et Saint-Ferréol. Les habitants des paroisses intéressées s’y étaient opposés, alléguant que ce tracé « ferait un chemin trop long et très dispendieux à cause des ponts qu’il exigerait » et ils s’étaient adressés au grand-voyer du district de Québec, Jean-Baptiste D’Estimauville, le priant de modifier le tracé déterminé par Taschereau. La population avait plutôt favorisé le tracé du chemin passant par les Caps et aboutissant directement à Saint-Joachim, soit celui qui a été réalisé entre 1812 et 1818. 3

Le projet d’une voie de communication entre Saint-Ferréol et Baie-Saint-Paul allait renaître trente-six ans plus tard. L’honorable Joseph-Édouard Cauchon, député Bleu du comté de Montmorency aux Communes, fut l’un des promoteurs d’un nouveau chemin à construire entre ces deux paroisses. Ce chemin localisé sur les premiers contreforts des Laurentides suivrait un plateau au terrain peu accidenté et propre à la culture. Il favoriserait la colonisation dans le secteur et il serait le premier chaînon du grand chemin interrégional allant de Québec à Chicoutimi, commencé en 1854. En effet, on prévoyait le joindre au chemin allant de Saint-Urbain à Grande-Baie. En 1864 le gouvernement du Bas-Canada consacra un budget pour la construction du chemin Cauchon. Huit kilomètres de route furent complétés dans le rang Saint-Vincent-de-Paul et un pont sur la rivière Sainte-Anne fut construit sous la conduite de Charles Rhéaume. Avec ses deux travées respectivement de 40 et de 60 pieds de longueur, ce pont était tout juste passable, une partie de son pontage n’étant pas achevée. En 1868-69, une nouvelle somme d’argent fut consacrée à des travaux réalisés sous la conduite de Pierre Cauchon et de Euchariste Gauthier qui comprenaient la finition du pont et la construction de seize nouveaux kilomètres de chemin entre les paroisses de Saint-Ferréol et de Saint-Joseph-de-la-Baie (Saint-Placide-de-Charlevoix). Les quatre derniers kilomètres furent complétés en 1870, pour une longueur totale de trente kilomètres, non sans un nouveau déboursé. Les sommes consacrées au chemin Cauchon, en dollars de l’époque, équivalaient à 136$ du kilomètre de chemin construit, incluant les ponts. Entretemps, le Séminaire de Québec, propriétaire de l’immense seigneurie de Beaupré, avait construit à ses frais un chemin de traverse reliant le chemin des Caps au nouveau chemin Cauchon afin de faciliter les communications entre les paroisses de Saint-Joachim, Saint-Tite et Saint-Ferréol. 4

Carte montrant les deux chemins ainsi que les sites des ponts sur la rivière Sainte-Anne. Plan Jules Taché, 1893. BAnQ.

Par la suite le mouvement de la colonisation avait connu un épisode de stagnation, paralysé par l’engouement pour les manufactures de la Nouvelle-Angleterre. Vers 1883 le pont sur la rivière Sainte-Anne-du-Nord, entre Saint-Ferréol et Saint-Tite, s’écroula faute de soins. Il ne fut pas rebâti, isolant les colons établis des deux côtés de la rivière. Le temps passa, si bien que le chemin négligé fut envahi de broussailles au point qu’il n’était plus possible aux colons d’y passer en voiture d’été pour aller écouler les produits de leurs récoltes. Les quelques colons isolés ne cessèrent de demander la reconstruction du pont, mais devant l’inaction des autorités, certains se lassèrent et furent tentés de plier bagages pour aller s’établir dans des centres de colonisation plus éloignés. Le gouvernement souhaitait toutefois revitaliser ce territoire et le voir se repeupler à nouveau. À la demande du commissaire du Département de la Colonisation et des Mines, l’honorable Adélard Turgeon, l’ingénieur et inspecteur des travaux de colonisation Joseph-Narcisse Gastonguay se rendit sur place le 7 novembre 1898 pour faire l’estimation des coûts de reconstruction du pont. La structure de 135 pieds de longueur proposée par l’ingénieur serait couverte, n’aurait qu’une seule travée et son coût de construction était estimé à environ 1400$. 5 Les charpentiers Georges Barrette et Joseph Wanness furent chargés de superviser les travaux de construction du pont couvert. Durant l’année 1899, les charpentiers du Département avaient un agenda fort chargé car plusieurs chantiers étaient en cours dans la province. Barrette avait séjourné à Petit-Saguenay en juillet pour superviser la construction du pont couvert Benjamin-Fortin (61-17-13, voir article La signature de l’ingénieur), puis il s’était rendu dans le comté de Saguenay pour faire l’inspection d’un pont de bois sur la rivière aux Canards dont il recommanda la reconstruction. Barrette s’était ensuite dirigé vers le chantier de Saint-Ferréol. D’après les petits frais de voyage réclamés (16.55$), le charpentier y aurait passé peu de temps, laissant à son collègue, Joseph Wanness, le soin de superviser les travaux. La structure de type Town intermédiaire fut achevée au cours de l’été 1899. Sa longueur officielle fut portée à 144 pieds. Elle coûta la somme de 1500$. Une contribution de 600$ avait été recueillie dans les paroisses intéressées et le bois avait été scié localement. 6

Le Pont Rouge sur la rivière Sainte-Anne, entre Saint-Ferréol-les-Neiges et Saint-Tite-des-Caps (61-48-02). Photo : Marc Dugal, 1945. BAnQ E6,S7,SS1,P29007.

Une structure Town « intermédiaire » typique

La charpente du pont couvert sur la rivière Sainte-Anne est un exemple typique d’une poutre triangulée de type Town « intermédiaire », de 144 pieds de longueur, comptant neuf panneaux séparés par des poteaux verticaux équidistants de 16 pieds. Ceux-ci sont doublés, c’est-à-dire un poteau de chaque côté du treillis. Ce type de charpente est un stade évolutif entre la poutre Town simple, sans poteaux verticaux, et la poutre Town « élaboré » ou Town « québécois » qui a des poteaux équidistants de 8 pieds et un treillis plus dense. L’angle des diagonales du treillis de type intermédiaire diffère légèrement de celui du type élaboré. Les cordes inférieures sont doubles. Les poteaux sont liés aux contrevents par une jambe de force taillée dans un pied d’arbre. La surface de roulement est faite de madriers étendus de biais sur le platelage.

La charpente Town « intermédiaire » de 144 pieds de long du pont Rouge. Dessin : Gaétan Forest.

Le pont Rouge arborait le portique commun aux ponts construits par Georges Barrette. Photo : Traugott F. Keller, 1959.

Localisation du pont Rouge. Carte 1959, 21-M/2 W, BAnQ.

Une charpente de type Town « intermédiaire » avec ses poteaux équidistants de 16 pieds et ses jambes de force taillées dans un pied d’arbre. Photo : Traugott F. Keller, 1959.

À l’instar de plusieurs ponts couverts construits par le gouvernement à l’époque, le Département souscrivit pour le pont Rouge de Saint-Ferréol à une prime annuelle de 16.50$ sur une police d’assurance de 1000$ de la compagnie d’Assurance North America, de Philadelphie, afin de couvrir les pertes en cas de destruction par l’eau ou le feu. 7

Joseph-Narcisse Gastonguay revint à Saint-Ferréol en octobre 1899 pour voir le pont achevé mais aussi pour faire l’inspection du chemin Cauchon et du chemin des Caps. L’ingénieur du Département constata que grâce à la construction du pont, les colons avaient déjà déblayé et remis en assez bon état quelques kilomètres du chemin Cauchon pour y circuler sans difficulté en voiture d’été. L’ingénieur était à même de constater les améliorations apportées par les colons dans les paroisses de Saint-Tite-des-Caps et de Saint-Placide-de-Charlevoix depuis la construction du pont. Il était d’avis que la complète restauration du chemin Cauchon jusqu’au chemin de Saint-Urbain offrirait une voie de communication « incomparablement plus avantageuse pour le public voyageur et très utile à la colonisation ». 8

Le pont couvert Rouge subsista jusqu’en 1961. Le ministère des Travaux publics, sous la direction du ministre René Lévesque du gouvernement libéral de Jean Lesage, démarra un programme de travaux qui a maintenu en pleine activité 41 chantiers de construction de ponts dans 32 comtés de la province, du 15 novembre 1960 au 15 avril 1961. Ces travaux devaient remédier tant soit peu au chômage en donnant de l’emploi à plus de 700 personnes pendant plusieurs semaines. Le pont couvert figurait parmi les structures à remplacer par une structure en béton. Le chemin Cauchon fut pavé dans le secteur et devint la route 360, mais on se contenta de joindre cette dernière à la route 138, à 4 kilomètres au nord-est de Saint-Tite-des-Caps. On perd aujourd’hui la trace du chemin Cauchon qui passait sur les terres du Séminaire en remontant la rivière des Chenaux jusqu’à sa source près des lacs Gagné et à l’Équerre. Le vieux chemin abandonné est retourné à la nature qui a depuis ce temps fait l’objet de coupes forestières. Seul subsiste la section sud-ouest du chemin Cauchon, dans le comté Montmorency, et en contrepartie la section nord-est dans Charlevoix, qui porte le nom Léo Cauchon et qui se joint au Rang St-Placide-Sud. 9

La couleur politique des ponts

Le chemin des Caps demeurait la voie principale pour se rendre de Beaupré à Baie-Saint-Paul, en passant par Saint-Joachim et Saint-Tite-des-Caps. Ce chemin est devenu la route 15, puis la route 138. Toutefois, le chemin Royal allant de Québec à Saint-Joachim traversait la rivière Sainte-Anne sur le pont Bacon à Beaupré. Plusieurs ponts successifs avaient existé à cet endroit auparavant. En 1868, Charles Rhéaume en avait reconstruit un. Ce nouveau pont à péage, qui avait été acquis par un monsieur Bacon, était en très mauvais état en 1873 et son propriétaire l’avait reconstruit bien que sa charte de pont à péage était sur le point d’expirer. En juillet 1877 on affirmait que ce pont manquait de solidité et qu’il faudrait y remédier. Le député conservateur de Montmorency, Auguste-Réal Angers, fit voter la somme de 800$ pour la reconstruction du pont. Les libéraux s’y opposèrent en lui reprochant de trop favoriser son comté. Un courant de politicaillerie coulait déjà sous ce pauvre pont. Le député conservateur de Charlevoix, Onésime Gauthier, répondit vivement à l’opposition, faisant voir que ce pont était indispensable à son comté, car situé sur le chemin interrégional. Des travaux de réparations furent faits par un dénommé E. Raymond en 1878. 10 Le planchéiage du pont d’une longueur totale de 253 pieds fut réparé par Pierre Marquis en 1881. 11 Mieux que rien. La chambre d’assemblée législative vota finalement une somme de 1200$ pour la reconstruction de la superstructure en mars 1883. 12 On se serait attendu à ce que cette somme soit employée à bon escient selon les règles d’éthique. Des travaux furent exécutés mais sans appels d’offres et certains journaux partisans se délectèrent d’allégations de « patronage » (favoritisme) parmi les protagonistes Bleus. 13

Le pont en bois de Beaupré, à deux travées sans couverture ni lambris, avait été inspecté par Georges Barrette et réparé par un dénommé D. Saillant durant l’exercice financier 1896-1897. De quelle nature étaient ces travaux ayant coûté la somme de 112 dollars ? Sans doute peu de chose, car la structure en bois exposée aux éléments retourna dans un état précaire en peu de temps. L’ingénieur Joseph-Narcisse Gastonguay visita le pont à deux reprises en 1900 et constata que la charpente était « à peu près complètement pourrie » et elle offrait alors très peu de sûreté. Il ajoutait que « ce serait peine perdue que de vouloir y faire des réparations » et qu’il était préférable de le « reconstruire à neuf, en bois, au moyen d’une travée à poutres en treillis, couverte et lambrissée, et deux petites travées lambrissées, mais ouvertes, pour la somme de 2400$. » L’autre option proposée était la construction d’un pont formé d’une travée métallique de 150 pieds couplée à une travée en bois, mais couverte, d’une longueur de 60 pieds, reposant sur deux piles en maçonnerie et une pile en bois, pour un coût approximatif de 6000$. 14

On semblait être enfin d’accord pour la construction d’un pont couvert, car lors d’un voyage à Beaupré, le député du comté de Montmorency aux Communes, Georges Parent, avait constaté « que tous les matériaux pour la construction d’un pont en bois, recouvert, espèce de tunnel, étaient rendus sur les lieux pour remplacer le vieux pont Bacon ». Mais le jeune député s’était alors mis en relation avec un ingénieur, probablement Louis-A. Vallée du Département des Travaux publics, puis avec le député libéral provincial de Montmorency Louis-Alexandre Taschereau, sous le Cabinet Gouin, pour demander de l’aide aux deux paliers de gouvernement pour construire un pont en fer. 15 On ne verrait donc pas à Beaupré un beau pont couvert comme celui de Saint-Ferréol. On planchait plutôt pour avoir un pont métallique à la mode. En attendant le grand jour, les autorités choisirent de simplement rafistoler le vieux pont Bacon pour le faire tenir encore un peu. Elzéar Fortier exécuta les travaux en 1902, pour une somme de 573.21$. Le pont fut consolidé à nouveau en 1905 afin de prolonger son agonie. Le moribond sera finalement remplacé en 1907 par une structure métallique de type Pratt de 180 pieds de longueur, entièrement rivetée, construite par la compagnie Phoenix Bridge and Iron Works de Montréal. La bénédiction officielle du pont Taschereau-Parent eût lieu le 4 juillet 1907 en présence de l’honorable Louis-Alexandre Taschereau, de l’honorable Georges Parent, et de plusieurs autres dignitaires. L’ingénieur Louis-A. Vallée, du Département des Travaux publics et du Travail, était également présent. 16

Lors d’une causerie à Château-Richer pendant la campagne électorale provinciale de novembre 1935, le candidat libéral sortant Taschereau rappela à ses électeurs que parmi toutes ses promesses électorales réalisées depuis 1900, figurait son appui inconditionnel pour la construction d’un solide pont métallique pour remplacer le vieux pont Bacon « sur lequel personne n’osait passer avant d’avoir fait son acte de contrition », ce qui faisait toujours rire l’assistance. Taschereau sera réélu, mais il donnera sa démission le 11 juin 1936, après seize années au poste de premier ministre de la province. 17

Le pont Taschereau-Parent a fait l’objet de travaux d’entretien en 1931, 1942, 1949 et 1957. Il supportait l’avenue Royale actuelle et il a été remplacé par un pont en béton en 1959. Alors que ce dernier était déjà construit, la vieille structure en acier abandonnée qu’on se préparait à démolir s’est écroulée lors d’une crue le 14 novembre 1959. 18

Une travée du pont Bacon, sur la rivière Sainte-Anne, à Beaupré, vers 1890. Photo : fonds Fred C. Wurtële, BAnQ P546,D6,P10.

Le pont Taschereau-Parent à côté du vieux pont Bacon. Photo : fonds Fred C. Wurtële, BAnQ P546,D6,P62.

À Saint-Joachim, l’ancienne route 15 gravissait les flancs escarpés du Cap Tourmente. C’était la fameuse côte de la Miche, connue de nos jours sous le nom de « La vieille Miche » qui a été contournée en 1955-56 par une voie plus directe de la route 15, évitant les villages de Beaupré et de Saint-Joachim ainsi que cette côte abrupte et sinueuse, quoique pittoresque, difficile à négocier particulièrement en hiver. Un pont en béton de 500 pieds de longueur a été construit sur la rivière Sainte-Anne sur le nouveau tronçon de la route qui est devenue la 138. La vieille Miche, l’actuelle route des Carrières, est encore utilisée pour le trafic local mais demeure aussi pentue et tortueuse qu’à l’origine, avec son dénivelé de 450 mètres, sa pente moyenne de 5% sur une distance de 8,6 kilomètres et une suite de trois virages serrés, semblables à des lacets de col alpin. 19

Le pont Taschereau-Parent supporta la circulation de la route 15 de 1907 à 1959. Photo : Neuville Bazin, 1951, BAnQ E6,S7,SS1,P83505.

Mestachibo, Grande Rivière, Sainte-Anne-du-Nord, Sainte-Anne, la rivière aux noms multiples aura coulé du haut des Sept-Chutes au fleuve sous des ponts mis au service du peuple, l’œuvre de bâtisseurs comme les Gastonguay, Barrette, Wanness, Vallée et plusieurs autres, sans oublier les travailleurs anonymes et les politiciens qui les ont soutenus.

Gaétan Forest, août 2021

RÉFÉRENCES :

1- Itinéraire toponymique du Saint-Laurent ses rives et ses îles. En collaboration, Études et recherches toponymiques, 9, 1984.

2- Procès-verbaux des Grands Voyers; Le Spectateur canadien, 24 décembre 1828; Le Canadien, 28 juin 1843; The Quebec Gazette, 11 avril 1845; Le Canadien, 18 mai 1846; Le Journal de Québec, 23 octobre 1855; The Montreal Witness, 10 janvier 1857; L’Opinion publique, 23 mars 1871; Nérée Tremblay, Saint-Pierre et Saint-Paul de la Baie Saint-Paul, 1956.

3- Procès-verbaux des Grands Voyers.

4- Rapport sur les chemins de colonisation du Bas-Canada, 1864; Sessional Papers, Legislative Assembly, 1867; Rapports du Commissaire de l’Agriculture et des Travaux publics de la province de Québec, 1868, 1869 et 1870, 1871-72.

5- Rapport du Commissaire de la Colonisation et des Mines de la Province de Québec, 1899.

6- Rapport du Commissaire de la Colonisation et des Mines de la Province de Québec, 1900.

7- Rapport du Commissaire de la Colonisation et des Mines de la Province de Québec, 1901.

8- Rapport général du Commissaire de la Colonisation et des Mines, 1900.

9- L’Action catholique, 28 mars 1961; Le Soleil, 28 mars 1961.

10- Le Courrier du Canada, 26 juillet 1877, 1er mars 1878; Sessional Papers, Legislative Assembly, 1880.

11- Rapports du Commissaire de l’Agriculture et Travaux publics, 1868, 1873 et 1881.

12- La Minerve, 17 février 1883. Le Courrier du Canada, 16 mars 1883.

13- L’Électeur, 20 février 1884.

14- Rapport du Commissaire de la Colonisation et des Mines, 1901.

15- Le Soleil, 5 juillet 1907.

16- Idem.

17- Le Soleil, 19 novembre 1935.

18- Rapport général du ministère de la Colonisation et des Travaux publics, 1902 et 1905; rapports du ministère des Travaux publics, 1943, 1957 et 1960; Le Soleil, 5 juillet 1907; La Presse, 16 novembre 1959; L’Action catholique, 16 novembre 1959.

19- Rapports des ministères de la Voirie et des Travaux publics, 1955 et 1956.

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