Anecdote sur le pont Turgeon

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Le pont Turgeon se trouve dans la section des structures disparues depuis déjà quelques années, mais j’en parle à nouveau grâce à une anecdote savoureuse racontée par la plume de madame Nicole Proulx. L’année 1977 est restée marquante pour les habitants de Villemontel et des villages voisins. En effet, lors d’une crue assez exceptionnelle, le pont Turgeon était parti à la dérive sur la rivière. Je vous invite à revivre cet événement grâce aux souvenirs de Madame Proulx, et à faire la rencontre de Ti-Loup, un chien fort attachant… 

Ti-Loup et le pont couvert

par Nicole Proulx

Au printemps de 1977, ma famille et moi demeurions à Manneville, petit village de l’Abitibi. C’était un printemps très pluvieux et les inondations se multipliaient. On apprend que le pont couvert du rang X (appelé officiellement pont Turgeon) est parti à la dérive à cause de la crue des eaux. Un si gros évènement dans un si petit endroit ! Tous les habitants des alentours se rendent sur place afin d’assister aux manœuvres devant ramener le pont à sa place d’origine. Naturellement, ma famille ne fait pas exception. Mon père, Léo Proulx, s’y rend avec son camion et ma mère avec l’automobile. C’était un vendredi, le 22 avril, je m’en rappelle, car c’est la date d’anniversaire de mon père. Nous, les enfants, embarquons là où il y a de la place, et bien sûr, dans notre énervement, personne ne se préoccupe du chien qui nous accompagne.

À cette époque, nous vivions un pénible évènement dans la famille que maman appelait un drame familial. Mon frère, Jean-Guy, l’aîné de la famille qui demeurait à Gatineau, s’était séparé de sa femme, Ginette. Elle et les enfants sont ainsi partis vivre ailleurs quelque temps : une pause pour réfléchir à l’avenir du couple, précisait maman. Comme mon frère, nous espérions tous que la séparation soit temporaire. Mais en attendant la probable réconciliation, quelqu’un devait bien prendre soin du chien de leurs trois enfants, car Jean-Guy se retrouvait souvent absent de chez lui. Il ne désirait nullement se débarrasser du chien. Un peu à contrecœur, ma mère accepte finalement de garder le chien avec l’espoir d’amoindrir la peine de son fils et de ses petits-enfants. Elle qui a toujours détesté des animaux dans la maison, elle ne se gêne guère pour critiquer le chien, trouvant qu’il est souvent dans « nos jambes », dérangeant, qu’il sent mauvais ou qu’il est un vilain jappeur. Bref, les remarques négatives ne manquent pas quand il s’agit de qualifier Ti-Loup!

Voilà qu’arrive l’épisode du pont flottant, surnommé après la crue des eaux : le bateau ivre. C’est la catastrophe au retour à la maison : Ti-Loup a disparu! On appelle le chien sans succès. On se rend chez les voisins pour enquêter sur sa disparition, mais personne ne l’a aperçu. On ne se doute pas, à ce moment précis, que l’animal a embarqué, à notre insu, dans un des véhicules qui se trouvaient près du pont à la dérive. Après une semaine, il n’y a toujours pas de chien. Pour se consoler, chacun se convainc qu’il reviendra bien par lui-même.

Raynald et Ti-Loup

Raynald Proulx et Ti-Loup le chien (Photo : Christiane Proulx)

Heureusement, une voisine chez qui nous étions allés effectuer des recherches le soir de la disparition arrive à la maison. Elle nous apprend qu’elle est allée visiter une amie, madame Larouche, qui vit dans le village voisin. La semaine précédente, cette dame s’était rendue en fin de journée près du fameux pont couvert. La majorité des gens du patelin était repartie et, raconte-t-elle, elle avait aperçu un bel animal qui semblait abandonné. Elle l’amena chez elle. Instantanément, ses enfants se prirent d’affection pour la bête.

Évidemment afin de ramener le chien, maman se rend immédiatement chez les Larouche, la famille adoptive du chien. Cette dame n’avait que de bons mots à l’égard du chien. Voilà que maman se met à pleurer comme une madeleine, car elle s’était ennuyée. Maman jure que Ti-Loup l’a reconnue !

Quelques mois plus tard, le chien retournait chez mon frère avec ses véritables maîtres. Maman s’est sentie, alors, comme la « sauveteuse » du bonheur de ses petits-enfants. Dans les années qui ont suivi, maman a raconté maintes et maintes fois cette histoire des retrouvailles avec Ti-Loup. Comme par magie, ce chien est devenu le plus extraordinaire au monde, un chien sans défaut, et une petite larme accompagnait toujours son récit !

Nicole Proulx, 8 décembre 2014

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