Un texte inédit de Gérald… et la relâche!

L’heure de la fameuse semaine de relâche a déjà sonné, mais je vous laisse entre bonnes mains avec ce texte tout frais signé de la plume de Gérald Arbour. L’article résume à merveille l’histoire du pont de St-Edgar, en prenant bien soin de s’attarder à la fameuse statue qui a été en place dans le pont pendant environ 40 ans. Je prendrai la route pour quelques jours, et je reviendrai avec des photos de quelques ponts couverts, car ma route va en croiser assurément. Un gros merci à Gérald pour cet article qui saura vous captiver à coup sûr.

LE SAINT-EDGAR SOUS PROTECTORAT

par Gérald Arbour

Cette histoire débute en mai 1948 alors que le débordement de la petite rivière Cascapédia inonde le village de Saint-Edgar.

Source : SOLANGEGAG sur YouTube (2014). Bienvenue aux paroissiens de St-Edgar

Le pont couvert, construit 10 ans plus tôt sous la supervision du curé Joseph-Edgar Miville (1887-1968) est un lien important pour la mission Saint-Antoine (Saint-Edgar) et la colonie naissante de Robidoux. Les travaux s’étendent de juin à octobre. La journée de travail est de 10 heures à 2$ par jour, 6 jours semaine. Le bois est abattu sur des terres louées du gouvernement par les futurs colons(1). À la fin de l’opération, une structure typique de la colonisation de 2 travées d’une longueur totale de 293 pieds est érigée…

Lors du débordement de la rivière, une crue de 12 pieds a menacé le viaduc et le pilier s’est évidé. À l’époque les culées et le pilier étaient en bois. L’érosion des berges est importante et menace les fondations du centre des retraites (1937-1951) situé à proximité du pont. Dès le retrait des eaux des mesures sont prises afin de protéger le village des futures sautes d’humeur de la rivière. Un mur de soutènement est érigé à partir de la culée du pont couvert jusqu’à la limite du terrain du centre des Retraites. À ce moment-là le couvent n’est pas encore construit. Les approches du pont sont rehaussées.

Source : BAnQ (1948). Cote : E6,S7,SS1,PB69-60

Ça c’était pour la protection physique des lieux. Comme c’était souvent le cas dans les épisodes de crises, feux, sécheresse et autres calamités naturelles, le clergé est appelé en renfort dans la pieuse Belle Province de l’époque. Une paroissienne fait don d’une statue de la Vierge Marie afin qu’elle soit installée dans le pont. Bénite par le curé Miville, elle est effectivement placée dans le pont pour veiller sur sa bonne étoile. Implorer la Vierge en cas d’inondation remonte même au début de la colonie alors que Maisonneuve lui fait une promesse si elle sauve Ville-Marie d’une inondation menaçante. Cette promesse a résulté en la croix du Mont-Royal.

Photo : Traugott Keller (1959), archives de la National Society for the Preservation of Covered Bridges. Collection : Gérald Arbour

Dans mon dossier, la première mention de cette statue est faite par Madame Barbara Brainerd(2), une américaine de la Nouvelle-Angleterre qui, dès 1938, avec son mari Raymond, a fait le tour de la Gaspésie. Les photos de ponts couverts de Raymond, très nombreux sur la route 6 de l’époque, et les notes de voyage de Barbara sont des archives très riches et de qualité. Le second signalement de cette statue est une photo de M. Traugott Keller, un américain en visite en Gaspésie en 1959. Finalement, la dernière représentation est la photo prise par Joseph D. Conwill en 1976. Lors de ma première visite au pont de Saint-Edgar en 1980 je n’ai pas noté la présence de la statue.

Photo : Joseph D. Conwill (1976). Collection : Gérald Arbour

Les choses ont bien changé à Saint-Edgar. Le pont, désaffecté depuis 2008 a été classé monument historique en 2009 et rénové de fond en comble en 2014. L’érosion des berges se poursuit et le mur de soutènement est entièrement disparu. Il en est de même pour la maison des Retraites et du couvent. Un vaste terrain vacant, probablement en partie interdit de construction de nos jours, ne laisse voir aucun vestige de ces bâtiments. Tout comme la municipalité qui a fusionné avec New Richmond, la paroisse fondée par le curé Miville a rejoint celle de New Richmond en 2014. Les espoirs de développement placés dans la colonie de Robidoux en 1938 ne sont plus qu’un souvenir partagé par les quelques résidents qui y demeurent encore.

Photo : Gérald Arbour (1988)

Mais l’aura de la statue semble encore présente entre les treillis du pont. D’importantes crues sont survenues depuis celle de 1948, notamment en 2010, et la structure, sévèrement endommagée a tout de même résisté à la furie de la rivière.

Photo : Gérald Arbour (2013)

Sources :

  1. Le Calypso, sentier d’interprétation, Centre d’interprétation de la nature de Baie-des-Chaleurs, Gouvernement du Québec, Ministère des Terres et Forêts, Service de l’Éducation en conservation, 1980, 34p.
  2. Le Pont’âge #5, juillet/août 1982, p.8.

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